Vente en état futur d’achèvement – personne publique – commande publique

par | 18 mai 2021 | Vente en état Futur d’Achèvement (VEFA) et commande publique

Les conditions du recours à la vente en état futur d’achèvement par une personne publique précisées tant par la CAA de NANCY du 15 avril 2021 que la CJUE du 22 avril 2021.

Le recours à la vente en état futur d’achèvement par les personnes publiques se confronte depuis plusieurs années à plusieurs principes juridiques.

D’abord ceux qui gouvernaient les commandes publiques issues de la loi MOP du 12 juillet 1985.

Puis à compter du 1er avril 2016, ceux de la libre prestation de services, d’égalité de traitement et de non-discrimination issus de l’Ordonnance 2015-899 du 23 juillet 2015 (complétée de son décret d’application numéro 2016-360 du 25 mars 2016). Cette ordonnance a transposé les deux directives européennes du 26 février 2014 relatives aux marchés publics dits « secteurs classiques » (2014/24 UE) et « secteurs spéciaux » (2014/25 UE).

Les dispositions de cette ordonnance se trouvent désormais codifiées, depuis le 1er avril 2019, sous le Code de la commande publique.

Beaucoup s’interrogent sur le maintien et les conditions du recours à la VEFA par une personne publique depuis l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions issues du droit européen.

La conclusion d’une VEFA par une personne publique possible :

La conclusion d’un contrat de VEFA, contrat de gré à gré, sans procédure de mise en concurrence par une personne publique a été validée aux termes de l’arrêt dit Région Midi Pyrénées rendu par le Conseil d’Etat le 8 février 1991.

A la suite de cet arrêt, le Conseil d’Etat a émis le 31 janvier 1995 (numéro 356 960), un avis à propos de la conclusion par le ministère de l’intérieur et de l’aménagement du territoire de VEFA pour les réalisations de commissariats de police. Le Conseil d’Etat avait alors répondu positivement quant à la conclusion de contrats de VEFA pour la construction d’un ouvrage sur un terrain dont elle n’avait pas la propriété.

Le Conseil d’Etat avait mentionné lors de cet avis que la VEFA était illicite lorsque tout à la fois, l’objet de l’opération est la construction même d’un immeuble pour le compte de la personne publique en cause, l’immeuble est entièrement destiné à devenir sa propriété et qu’il a enfin été conçu en fonction des besoins propres de la personne publique.

Ces diverses conditions jouent de façon cumulative. Il s’ensuit que le recours à la vente en l’état futur d’achèvement est licite pour la réalisation d’un commissariat de police dès lors que sa réalisation ne constitue qu’une partie d’un immeuble destiné pour sa plus grande part à d’autres propriétaires. Il en va ainsi alors même que l’Etat demanderait que soient prises en compte, au stade de la conception du bâtiment, des spécifications techniques particulières correspondant aux besoins de ses services de police.

Le principe d’absence d’intervention de la personne publique dans la conception ou la détermination de l’objet était déjà affirmé.

Une affaire française…

Le 11 décembre 2017, le bureau de Metz Métropole décide de recourir à la conclusion d’une VEFA pour son futur siège, dans le cadre du programme dénommé Centralia.

Un recours est formé à l’encontre cette décision ainsi qu’en annulation de la VEFA.

Le Tribunal Administratif de Strasbourg a rendu le 26 juin 2019, un jugement rejetant la demande d’annulation.

La Cours Administrative d’Appel de Nancy est saisie aux fins de constater l’illégalité du recours à la VEFA sur les fondements de la méconnaissance de la loi MOP. Le motif invoqué est qu’un tel contrat constituait un marché public selon les dispositions de la directive 2014/24 UE du 26 février 2014 et de l’article 30-I-3e b du décret du 25 mars 2016.

La VEFA litigieuse aurait dû être soumise à la procédure d’attribution des marchés publics prévue par les dispositions de l’Ordonnance du 23 juillet 2015 (article 5) alors en vigueur.

Pour mémoire, les dispositions de l’article 5 de l’ordonnance précisaient que les marchés publics de travaux avaient pour objet soit la réalisation, soit la conception et la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux exigences fixées par l’acheteur qui exerce une influence déterminante sur sa nature ou sa conception.

Pour rappel, les dispositions de l’article 5 figurent désormais sous l’actuel article L1111-2 du Code de la Commande publique.

La CAA de NANCY retient dans son arrêt rendu le 15 avril 2021 (n°19NC02073) que le projet immobilier en cause ne contenait pas de caractéristiques particulières en lien avec les besoins spécifiques de l’acquéreur.

Metz Métropole n’avait exercé aucune influence déterminante sur la nature ou la conception de l’ensemble immobilier, lequel n’avait été conçu, ni à l’initiative de la personne publique, ni en fonction de ses besoins.

Par conséquent, il n’y avait pas eu de détournement de la procédure prévue pour la commande publique.

Mais aussi et surtout européenne…

Alors que la VEFA est une spécialité bien française, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a été saisie quant à elle, à propos de la conclusion d’un bail de longue durée.

Le 25 mai 2012, le Stadt Wien Wiener Wohnen (Wiener Wohnen), personne publique dépendante de la Ville de Vienne, a régularisé un bail portant sur des bureaux à construire.

La Commission soutenait que la conclusion de ce bail, sans mise en concurrence était contraire aux dispositions de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 relative aux marchés publics de travaux.

La conclusion de location pour des immeubles existant, comme non existant était exclue du champ des marchés publics de travaux.

Toutefois la Commission soutenait qu’il s’agissait d’une opération de réalisation d’un ouvrage constitutive d’un marché public de travaux.

La Commission avait repris les éléments de la jurisprudence européenne, et plus particulièrement celles de l’arrêt Impresa Pizzarotti du 10 juillet 2014 (C-213/13), plus anciennement Helmut Müller du 25 mars 2010 (C-451/08). Elle considérait que le Wiener Wohnen avait exercé une influence sur la conception du bâtiment et qu’il s’agissait d’un immeuble non standard. Elle avait utilisé les circonstances et conditions de cette opération pour assoir sa requalification en marché public (achat du terrain par le promoteur de la Ville de Vienne, calendrier de l’opération, mandat conféré à un prestataire spécialisé qui avait assisté l’adjudicateur…).

La CJUE considère que le contrat de bail en cause avait bien pour objectif la construction d’un ouvrage, au regard de la jurisprudence issue de l’arrêt du 29 octobre 2009, Commission/ Allemagne, C-536/07.

La CJUE rappelle qu’une influence déterminante sur sa conception peut être identifiée s’il peut être démontré que cette influence est exercée sur la structure architecturale de ce bâtiment, telle que sa dimension, ses murs extérieurs et ses murs porteurs. Les demandes concernant les aménagements intérieurs ne peuvent être considérés comme démontrant une influence déterminante que si elles se distinguent du fait de leur spécificité ou de leur ampleur.

Le recours formé par la Commission a été rejeté aux termes de son arrêt rendu le 22 avril 2021.

Cette décision de la CJUE a été rendue sur le fondement de l’ancienne directive 2004/18/CE qui était alors en vigueur au moment de la conclusion du contrat de bail objet du litige.

Depuis la directive 2014/24/UE a abrogé et remplacé la directive 2004/18/CE. Néanmoins, l’article 2 de la nouvelle ordonnance comporte en son paragraphe 6 relatif à la définition des marchés de travaux, sous le c) les mentions suivantes : la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux exigences fixées par le pouvoir adjudicateur qui exerce une influence déterminante sur sa nature ou sa conception.

Que devons-nous retenir de ces décisions ?

Le recours à la VEFA en tant que contrat conclu de gré à gré par une personne publique est toujours possible.

Quelques pré requis doivent toutefois être respectés : la vente doit porter sur un produit dit banalisé, non spécifique et surtout la personne publique ne doit pas s’immiscer dans la conception du programme immobilier. Elle ne doit non plus définir les caractéristiques de l’ouvrage.

Rien n’interdit à la personne publique d’être conseillée par des spécialistes, dès lors que leurs interventions se limiteront à de l’audit et du contrôle des constructions à réaliser, en dehors de toute conception.

Si des travaux d’aménagements sont à réaliser, ils devront faire l’objet d’un ou plusieurs contrats de louages d’ouvrages distincts. De tels contrats devront être régularisés (au regard des besoins spécifiques de l’adjudicateur), selon la procédure de la commande publique et de la mise en concurrence, telle que prévue par les dispositions du Code de la commande publique.

Oudot, Etude reconnue pour son savoir-faire en matière d’opérations de promotions immobilières notamment avec les groupes les plus reconnus de la place ainsi que les opérateurs publics.

Retrouvez plus d’informations ici : CJUE du 22 avril 2021

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