Réponse du Conseil Constitutionnel sur l’imprescriptibilité du domaine public même en présence d’acquéreurs de bonne foi

par | 9 décembre 2018 | Immobilier

Le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation d’une question relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006.

Décision n° 2018-743 QPC du 26 octobre 2018

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2018/2018743QPC.htm

L’article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 21 avril 2006, prévoit :« Les biens des personnes publiques mentionnées à l’article L. 1, qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles ».

« La société requérante reproche à ces dispositions de ne pas prévoir de dérogation aux principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité du domaine public en faveur des acquéreurs de bonne foi de biens mobiliers appartenant à ce domaine. En exposant ainsi ces acquéreurs, à tout moment, à une action en revendication de ces biens par les personnes publiques, ces dispositions menaceraient la « sécurité des transactions ». Il en résulterait une méconnaissance, d’une part, du droit à la protection des situations légalement acquises et à la préservation des effets pouvant légitimement être attendus de telles situations et, d’autre part, du droit au maintien des conventions légalement conclues. »

« Les dispositions contestées prévoient l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité des biens, à caractère mobilier ou immobilier, appartenant au domaine public de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, et des établissements publics. En application de l’article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, le domaine public immobilier est constitué des biens appartenant aux personnes précitées qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public. Aux termes de l’article L. 2112-1 du même code, font partie du domaine public mobilier des mêmes personnes propriétaires les biens « présentant un intérêt public du point de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science ou de la technique ». Afin d’assurer la protection du domaine public mobilier, les dispositions contestées dérogent à l’article 2276 du code civil relatif à la propriété des biens meubles relevant du droit commun, aux termes duquel « En fait de meubles, la possession vaut titre. – Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient ».

L’inaliénabilité prévue par les dispositions contestées a pour conséquence d’interdire de se défaire d’un bien du domaine public, de manière volontaire ou non, à titre onéreux ou gratuit. L’imprescriptibilité fait obstacle, en outre, à ce qu’une personne publique puisse être dépossédée d’un bien de son domaine public du seul fait de sa détention prolongée par un tiers. »

Pour le Conseil Constitutionnel, il résulte de ce qui précède deux choses :

  • 1- aucun droit de propriété sur un bien appartenant au domaine public ne peut être valablement constitué au profit de tiers,
  •  2 – un tel bien ne peut faire l’objet d’une prescription acquisitive en application de l’article 2276 du code civil au profit de ses possesseurs successifs, même de bonne foi.

« Dès lors, les dispositions contestées ne portent pas atteinte à des situations légalement acquises, ni ne remettent en cause les effets qui pourraient légitimement être attendus de telles situations. Elles ne portent pas davantage atteinte aux conventions légalement conclues. »

Rien ne peut faire obstacle à l’inaliénabilité et l’impressibilité des biens appartenant au domaine public. Pas même la bonne foi des acquéreurs successifs.

Décision n° 2018-743 QPC du 26 octobre 2018

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