Question au gouvernement – Droit de préemption « Pinel » et vente d’immeuble incluant un local commercial

par | 27 avril 2021 | Vente

Des précisions apportées quant au champ d’application du droit de préemption dit Pinel

La loi numéro 2014-626 du 18 juin 20214 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (article 14), a introduit dans le dispositif dit du statut des baux commerciaux, un droit de préférence (également qualifié de préemption) au profit preneur d’un local commercial ou artisanal. Ce droit conféré à certains locataires est bien souvent désigné dans la pratique de droit de préemption Pinel, eu égard à son auteure, Madame Sylvia Pinel.

Ce texte est codifié au Code de commerce, il s’agit de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce.

Il suscite beaucoup d’interrogations en particulier au sujet de son champ d’application.

A la suite d’une question posée par Monsieur Hervé Marseille, Sénateur des Hauts-de-Seine à Monsieur le Ministre de l’économie, des finances et de la relance ayant pour objet la confirmation que la vente d’un immeuble dont l’usage principal correspond à une ou plusieurs sous-destinations prévues au 5°de l’article R.151-28 du code l’urbanisme, ne relève pas des dispositions de cet article.

Le Ministère de l’économie, des finances et de la relance apporte plusieurs précisions très utiles quant aux principes à retenir lors de l’interprétation des dispositions de l’article L.145-46-1 du Code de commerce et plus particulièrement quant à leur champ d’application. Sa réponse a été publiée au Journal Officiel de la République Française du 22 avril 2021.

Un droit de préférence au profit des très petites entreprises commerciales et artisanales.

La réponse ministérielle rappelle les principes qui ont conduit à l’instauration d’un droit de préférence au profit du locataire, en cas de vente du local commercial ou artisanal où il y exerce son activité.

Elle rappelle que l’étude d’impact (du 20 août 2013) établie dans le cadre de la création de ce droit visait à favoriser le maintien de TPE commerciales et artisanales dans les zones de centre-ville soumises à une pression immobilière.

Le rappel de la place du droit de propriété dans notre système législatif.

Dans sa réponse, Monsieur Le Ministre de l’économie, des finances et de la relance rappelle que les conditions d’application du droit de préférence dit Pinel doivent être interprétées strictement, au regard de l’importance du droit de propriété auquel il déroge.

Il est convient de rappeler ici que le droit de propriété a une place particulière dans notre système législatif. Il est visé à l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 :

La propriété est un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.

Sa place est au-dessus de notre constitution et gouverne à l’élaboration des lois. Tout manquement à de droit relève de la sanction par le Conseil Constitutionnel.

Les bénéficiaires du droit de préemption dit Pinel.

Cette réponse ministérielle apporte dans un premier temps quelques précisions quant aux bénéficiaires du droit conféré par les dispositions de l’article L.145-46-1 du Code de commerce.

En effet, il ne peut bénéficier qu’au seul titulaire du contrat de bail commercial. Il ne peut en aucun cas bénéficier à un tiers.

La réponse ministérielle précise que lorsque le bail a été conclu par une société son dirigeant ou un salarié de cette société ne peut en bénéficier, ni un associé ou actionnaire.

Un tel droit ne peut non plus bénéficier aux sous-locataires, occupants à titre précaire et aux usufruitiers.

La nécessité d’une activité commerciale ou artisanale effective.

L’exercice de l’activité dans les locaux doit y être effectif. Il faut comprendre de cette précision que les locaux loués mais non occupés ne peuvent donner lieu à l’ouverture de ce droit. La réponse ministérielle précise même que le locataire qui a déclaré la cessation de son activité n’est plus à même de se prévaloir d’un tel droit postérieurement à la cessation.

L’activité exercée dans les locaux doit être de nature commerciale ou artisanale. Par conséquent, si malgré les stipulations du bail commercial, les activités qui seraient exercées de manière effective n’en relèveraient pas, le droit de préemption ne trouverait pas s’appliquer.

A la question posée, à savoir si les dispositions de cet article sont applicables à la vente d’un immeuble dont l’usage principal correspond à une ou plusieurs sous-destinations prévues au 5°de l’article R.151-28 du code l’urbanisme. Nous devons en conclure quela réponse est négative. En effet et pour rappel ce dernier texte vise les autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire : industrie, entrepôt, bureau, centre de congrès et d’exposition. Le commerce et l’artisanat ne sont pas des sous-destinations qui relèvent de cette catégorie.

L’exclusion de la cession globale d’un immeuble.

La réponse ministérielle rappelle les dispositions du dernier alinéa de l’article L.145-46-1 du Code de commerce qui excluent l’application de ce texte à la cession globale d’un immeuble comprenant un ou des locaux commerciaux. Cette exclusion induit que toute vente qui obligerait le vendeur à devoir procéder à une division de son immeuble notamment par lots, aux fins de purge de ce droit serait une atteinte au droit de propriété. Monsieur Le Ministre ajoute que si la jurisprudence ne suivait pas une telle interprétation il appartiendrait au législateur de préciser le texte dans ce sens.

https://www.senat.fr/questions/base/2021/qSEQ210221155.html

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