L’ordonnance du 15 septembre 2021 relative à la réforme des sûretés apporte des modifications au dispositif juridique applicable aux sûretés immobilières.
Ces garanties réelles seront régies par les nouvelles dispositions des articles 2375 et suivants du Code civil.
D’apparence, peu de modifications semblent avoir été apportées à ces garanties :
Les dispositions de l’article 2375 qui énoncent les différentes catégories de sûretés sur les immeubles : privilèges, gage immobilier et les hypothèques, sont celles de l’ancien texte de l’article 2373 du Code civil.
La nouvelle définition de l’hypothèque qui figure dorénavant sous l’article 2385 du Code civil est proche de celle qui figurait sous l’ancien article 2393. Elle se veut être plus explicite dans sa rédaction. Tous les droits réels qui se trouvent dans le commerce peuvent faire l’objet d’une hypothèque. Les améliorations qui étaient déjà intégrées dans l’assiette du gage (ancien article 2397 du Code civil) sont maintenues sous le nouvel article 2389.
Toutefois, des modifications importantes vont intervenir à la suite de cette réforme.
La suppression des privilèges immobiliers spéciaux
Tous les privilèges immobiliers sont désormais généraux. Il n’existe plus de privilèges spéciaux.
Ces privilèges sont mentionnés au nouvel article 2377 du Code civil, l’énonciation est la même que celle qui figure à l’article 2331, savoir celle des privilèges généraux sur les meubles. Le créancier bénéficiant d’un privilège général sur les meubles et immeubles doit d’abord poursuivre la réalisation de sa créance sur les biens mobiliers, en application du principe de subsidiarité (dernier alinéa de l’article 2376 C. civ.) déjà bien connu.
Les privilèges généraux immobiliers se trouvent également complétés de ceux prévus par des textes particuliers
Ces privilèges généraux grèvent l’immeuble sans besoin d’aucune formalité d’inscription. Ils priment l’hypothèque et le gage immobilier. Ils résultent toujours de la loi.
La métamorphose des privilèges immobiliers spéciaux en hypothèques légales
Les hypothèques légales comportent deux sous catégories (art. 2393 C. civ.): celles générales (créances entre époux, de l’Etat et des collectivités territoriales, frais funéraires, jugement, Trésor public, caisse de sécurité sociale …) et celles spéciales.
Cette seconde catégorie comporte en réalité les anciens privilèges immobiliers spéciaux (vendeur d’immeuble pour le prix de sa vente, prêteurs de deniers, certaines créances du syndicat des copropriétaires, copartageant, …) énoncés sous l’ancien article 2402.
Les ordres ont été modifiés, en particulier celle du syndicat des copropriétaires qui se trouve derrière le vendeur et le prêteur de deniers. Le gage du syndicat est étendu aux créances de toutes natures pour l’année courante et les quatre dernières années échues.
L’hypothèque spéciale du syndicat des copropriétaires est toujours dispensée d’inscription. Attention, malgré son nouvel ordre (3ème de la liste), elle prime toujours le vendeur et le prêteur de deniers pour les charges courantes de l’année en cours et les deux dernières années échues. Elle est en concurrence avec celles du vendeur et du prêteur pour les années antérieures (art. 2418 C. civ. nouveau).
Il est à noter l’absence d’hypothèque légale pour les architectes et entrepreneurs et ceux qui ont fourni des deniers pour les payer, qui disposaient antérieurement d’un privilège spécial immobilier. Ces créanciers devront se contenter d’une hypothèque conventionnelle ou d’une hypothèque légale à la suite d’un jugement de condamnation (ancienne hypothèque judiciaire).
L’exigence de la publication de l’hypothèque légale comme condition de l’exercice de l’action résolutoire du vendeur (art. 1654 du C. civ.) est maintenue.
Les hypothèques légales à l’instar des anciens privilèges spéciaux immobiliers doivent être publiées pour pouvoir être opposables aux tiers.
Contrairement à leur ancien statut de privilège immobilier spécial où elles prenaient rang à la date de l’acte d’acquisition, les nouvelles hypothèques du vendeur et du prêteur ne prendront rang qu’à compter de leur date de publication. Cette modification tient compte de l’informatisation du système de la publicité foncière ainsi que des actes notariés qui sont déposés par voie dématérialisée et permettent l’accomplissement des formalités dans des délais brefs.
En cas de concurrence entre le vendeur et le prêteur de deniers, le vendeur sera réputé avoir pris rang antérieurement au prêteur.
Si une hypothèque légale est inscrite le même jour qu’une hypothèque conventionnelle ou judiciaire, celle de l’hypothèque légale sera réputée en rang antérieur.
La possibilité d’hypothéquer des biens futurs
La constitution d’hypothèques conventionnelle sur des biens futurs est permise. Les dispositions de l’actuel article 2420 du Code civil sur les biens à venir qui limitaient leurs conditions de constitution sont abrogées. La désignation de l’immeuble futur devra figurer dans l’acte notarié (art. 2421 C. civ. nouveau). Bien évidemment elle ne pourra être publiée qu’après l’acquisition du bien par son constituant.
Les intérêts et accessoires de la créance
Les nouvelles dispositions de l’article 2390 du Code civil prévoient que l’hypothèque s’étend aux autres accessoires de la créance garantie. Cette rédaction n’est pas sans conséquence sur le débat ouvert à propos de l’étendue de la subrogation légale, aux intérêts conventionnels de la créance, et la pratique notariale des inscriptions complémentaires. Par ailleurs, tous les accessoires sont visés et donc garantis pour toutes les formes d’hypothèques, légales comme conventionnelles.
Pour rappel, ces nouvelles dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 2022.
Texte de l’ordonnance portant réforme des sûretés :