La prescription acquisitive repose sur le principe de la fonction créatrice du temps. La possession qui va perdurer pendant une certaine durée va permettre au possesseur de devenir propriétaire du bien immobilier.
La prescription acquisitive n’est pas exclusive au Code civil.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) aux termes de son arrêt du 30 août 2007, rendu dans une affaire concernant le droit britannique, rappelle qu’il ressort clairement des éléments de droit comparé communiqués par les parties qu’un grand nombre d’Etats membres ont un dispositif permettant de transférer le droit de propriété en vertu de principes analogues à celui de la prescription acquisitive dans les systèmes de common law […].
Il est reconnu à ce dispositif un rôle social ainsi que d’ordre économique. Il s’agit d’une forme de récompense au possesseur qui a exploité un bien pendant une longue durée. C’était l’un des outils de 1804 contre les biens sans maîtres.
Notre dispositif législatif a la particularité de prévoir une double fonction à la prescription acquisitive. A la fois celle d’un mode d’acquisition d’un bien et celle d’un mode de preuve de sa propriété (article 712 du Code civil).
Ces principes sont à rapprocher de notre système de publicité foncière (hors le Livre Foncier). L’accomplissement des mesures de publicité n’a qu’un effet d’opposabilité aux tiers et non de validité de la propriété. C’est pour cette raison que les actes notariés ayant pour objet un transfert de propriété contiennent une origine de propriété au moins trentenaire.
Le mécanisme de la prescription prévu par les dispositions du Code civil :
La prescription acquisitive est un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi.
Le délai de la prescription est fixé à trente ans pour les biens immobiliers. Il est réduit à dix ans pour le possesseur de bonne foi titulaire d’un juste titre.
Pour être effective, la possession doit être utile. Elle doit être non équivoque, exercée comme celle qu’exercerait un propriétaire à la vue de tous (publique). Le Code civil impose qu’elle soit continue, ininterrompue et exercée sans violence
Une limite apportée à la prescription acquisitive : la garantie d’éviction due par le vendeur :
Le 29 janvier 2010 est régularisé l’acte de vente notarié d’un bien immobilier. Ce bien a été précédemment acquis par les vendeurs aux termes d’un acte sous seing privé régularisé le 12 mai 1983, publié à la suite d’un dépôt au rang des minutes d’un notaire en février 1984.
Les nouveaux propriétaires sont assignés en revendication de propriété par l’ancienne propriétaire (venderesse aux termes de l’acte du 12 mai 1983). Cette dernière revendique la prescription acquisitive, au motif que le terrain revendu était l’annexe de sa résidence dont elle avait toujours la possession, malgré l’acte de vente consenti par elle.
La Cour d’Appel de Papeete dans son arrêt rendu le 29 mars 2018, oppose au principe de la prescription acquisitive, celui de la garantie d’éviction prévu aux termes des articles 1626 et suivants du Code civil :
« Le vendeur s’interdit tout fait quelconque de nature à troubler la possession de l’acheteur. Le vendeur ne peut davantage troubler la jouissance paisible de l’acheteur ou de celui qui a recueilli ses droits, il ne peut prétendre exercer sur l’immeuble vendu un droit qui viendrait troubler cette jouissance. Le vendeur, qui doit garantie à l’acquéreur, est tenu de répondre de son propre fait et il ne peut, par suite, évincer lui-même l’acquéreur en invoquant la prescription acquisitive pour se faire reconnaître propriétaire de la chose vendue dont il a conservé la possession, l’acquéreur étant toujours recevable dans ce cas, à lui opposer l’exception de garantie qui est perpétuelle. »
Aux termes de son arrêt rendu le 30 juin 2021, la Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation valide la limitation apportée à la prescription acquisitive par la Cour d’Appel de Papeete.
Il faut en déduire qu’il est impossible à un vendeur de prescrire contre son acquéreur.
Le principe de la garantie d’éviction s’impose comme élément supérieur à celui de la prescription acquisitive. Il est à noter que l’exception de garantie ne se prescrit pas car elle demeure perpétuelle.
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Lien vers l’arrêt de la CEDH du 30 août 2007 :
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Lien vers l’arrêt de la Cour de Cassation du 30 juin 2021 :
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/troisieme_chambre_civile_572/570_30_47395.html.