L’arrêt de la cour de cassation rendu le 20 janvier 2021 sur un séquestre conventionnel est très intéressant tant la jurisprudence de la haute autorité est rare en la matière.
Il l’est encore plus car il vient ici rappeler un des fondements des conditions de libération d’un séquestre : la notion de « partie intéressée » au sens de l’article 1960 du code civil.
En l’espèce, dans une vente intervenue le 6 avril 2007 sur un immeuble pour lequel des travaux de dépollution devaient être réalisés par l’agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (l’Andra), une somme de 200.000 euros avait été conventionnellement séquestrée entre les mains d’un notaire et destinée au règlement des travaux de dépollution effectués. L’acte prévoyait que la somme séquestrée serait utilisée pour le paiement de l’Andra ou libérée sur présentation d’une facture aux fins de justification dudit paiement.
Par la suite, les parties à l’acte entérinèrent un protocole d’accord en vertu duquel il était mis fin au séquestre et demandèrent la libération du séquestre au notaire, ce qu’il effectua. L’Andra, tiers au contrat, n’ayant pas été réglée des sommes qui lui sont dues, assigne le notaire en 2015 en responsabilité pour imprudence et négligence.
La question posée est simple : ce qui est prévu conventionnellement entre les parties à un acte peut-il être dénoué tout aussi simplement par accord de ces même parties ?
Cette question renvoie à l’article 1960 qui dispose que « le dépositaire chargé du séquestre ne peut être déchargé avant la contestation terminée, que du consentement de toutes les parties intéressées, ou pour une cause jugée légitime ».
La Cour de cassation vient préciser que les « parties intéressées » sont non seulement les parties qui ont constitué le séquestre, mais également « les personnes qui ont un intérêt sur la chose séquestrée ». Ainsi, et quand bien même l’Andra n’était pas partie à l’acte de vente, il ne pouvait être mis fin à la mission du séquestre par la seule volonté des parties à cet acte.
Si la constitution de séquestre est de pratique courante lors de transaction immobilière, la Cour de cassation vient ici rappeler qu’une fois une convention de séquestre entérinée, elle résiste à la volonté des parties dès lors qu’elle consistait en la préservation d’intérêts tiers.
Civil 1ère, Arrêt n°62 du 20 janvier 2021 (19-18.567)