Cette récente décision du Conseil d’Etat renvoie à la notion jurisprudentielle de « voisin », mais aussi à l’intérêt à agir de l’article L 600-1-2 du code de l’urbanisme [1] et à la décision « Bartoloméi » de 2016 qui était venue tempérer la rigueur des conditions de recevabilité des recours dirigés contre les autorisations administratives.
Il est de jurisprudence constante que la seule qualité de voisin « proche » ne suffit plus à conférer à celui-ci un intérêt à agir. Il en va de la volonté du législateur [2] et des juges tant les recours contre les autorisations administratives s’étaient multipliés.
D’autres critères que la proximité sont aujourd’hui pris en compte pour apprécier l’intérêt à agir, tels la visibilité par rapport au projet de construction, la configuration, l’importance ou la desserte des lieux ; et le juge administratif apprécie la recevabilité de la requête pour excès de pouvoir au vu des éléments versés au dossier par les parties, en écartant les pièces et éléments qu’il jugerait insuffisamment étayés.
A ce titre, la décision « Bartoloméi » du 13 avril 2016 [3] est venue atténuer une jurisprudence récurrente qui exigeait de l’auteur d’un recours qu’il apporte une preuve certaine des atteintes que lui provoquaient le permis de construire. Par sa décision, le Conseil d’Etat a en effet retenu que les atteintes devaient être simplement « susceptibles d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien … mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes ».
Cette décision du 13 avril 2016 a également précisé que si le « voisin immédiat » justifiait « en principe » d’un intérêt à agir, cette qualité devait être corroborée par des éléments concrets soumis à l’appréciation du juge. C’est donc au cas par cas, au vu des éléments des pièces qui lui sont présentées par les parties, que le juge apprécie l’intérêt à agir du requérant et pourra, le cas échéant, rejeter par ordonnance un recours faute de cette preuve.
La décision du 24 février 2021 dont il est question porte sur un immeuble voisin soumis au régime de la copropriété.
En l’espèce, il s’agissait d’un permis de construire portant sur trois immeubles à Aix-en-Provence et représentant 74 logements implantés sur une assiette foncière adjacente à la résidence « La Dauphine ». Le syndicat de copropriétaires et plusieurs copropriétaires de cette résidence avaient saisi le Tribunal administratif de Marseille d’une requête en annulation.
En 1ère instance, le tribunal administratif avait rejeté la demande des copropriétaires pour tardiveté des conclusions déposées, ainsi que celle du syndicat des copropriétaires pour absence d’un intérêt à agir.
Le syndicat des copropriétaires s’est alors pourvu en cassation et le Conseil d’Etat, le 24 février 2021 confirma que le Syndicat des Copropriétaire avait qualité à agir dès lors qu’il avait apporté des éléments de nature à établir que le projet était susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance la résidence « La Dauphine ».
En l’espèce le syndicat avait justifié de sa qualité à agir du fait de l’importance du projet qui se déduisait de la réalisation de 74 logements implantés en vis-à-vis de la résidence, de la réalisation d’un parc de stationnement de 124 places et d’un triplement des surfaces bâties sur l’assiette du projet.
Conseil d’Etat 24 février 2021, req n° 432096
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000043183549
[1] Art. L 600-1-2 (entrée en vigueur en 2013) : « Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l’aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation. »
[2] rapport du groupe de travail présidé par Monsieur Daniel LABETOULLE, président de la Section du contentieux du Conseil d’État (créé par lettre du 11 février 2013 de Madame Cécile DUFLOT, ministre de l’Égalité des territoires et du Logement)
[3] Conseil d’État, 1ère – 6ème chambres réunies, 13/04/2016, 389798,